samedi 5 mai 2018

Jakob Hollbein : médecin légiste à l'institut médico-légal de Francfort.

Aujourd'hui, j'aimerais partager avec vous cette scène rédigée hier soir et dans laquelle je vous présente le médecin légiste de mon roman en cours d'écriture : Jakob Hollbein. 

Je vous transmets cet extrait, sans garantie aucune qu'il sera tel quel dans la version finale (Vous savez ce que c'est : à la fin, on coupe, on modifie, on rallonge, ... ), mais je vous souhaite autant de plaisir à découvrir ce personnage que j'en ai eu à l'imaginer. La rédaction d'un roman est un processus très long, et cela risque de durer encore quelques mois (voire des années ?) avant que vous ne l'ayez entre vos doigts, mais je pense vous tenir au courant sur ce blog de l'état d'avancement du roman. N'hésitez pas à y revenir de temps en temps.


"Jakob Hollbein enrageait. Il s’était dépêché de boucler l’autopsie, comme les commissaires chargés de l’enquête l’avaient exigé, mais jusqu’à présent, personne ne l’avait encore contacté. Il avait téléphoné la veille, mais personne ne lui avait répondu. S’il avait su, il aurait pris son temps. Il adorait passé ses soirées à l’institut médico-légal et il avait toujours l’impression d’être plus productif la nuit que le jour. C’était pas comme si quelqu’un l’attendait à la maison. Hollbein était un célibataire endurci, même si cet état de chose était loin d’être volontaire. Il avait une vraie passion pour son métier, mais malheureusement, c’était aussi la seule qu’il était capable de partager avec les rares membres de l’espèce féminine qu’il lui arrivait de côtoyer. Même si aux premiers abords, elles frémissaient à l’idée qu’elles se faisaient d’un médecin légiste, elle changeaient d’avis dès qu’il ouvrait la bouche. Contrairement à ce qu’elles avançaient, discuter de tumeurs au cerveau, de ventricules défaillants et d’intestins en décomposition ne lui avaient jamais permis de dépasser le stade du premier rendez-vous. Et lorsqu’il tentait d’éviter le sujet, il restait silencieux et indécis car il ne maîtrisait aucun autre sujet de conversation. Il avait donc accepté depuis longtemps que les seuls qui retiraient du plaisir de sa compagnie étaient ses « pensionnaires », comme il les appelaient. Et il le leur rendait bien. Il entretenait une véritable relation avec eux. Pas charnelle, non, mais intellectuelle. Il leur souhaitait la bienvenue à leur arrivée et, avant même qu’ils s’en soient rendu compte, ils étaient embarqués dans une discussion philosophique. Rien d’étonnant donc à ce qu’il préfère travailler la nuit. Au moins, il est seul avec ses « pensionnaires ». Au cours de la journée règne toujours une certaine agitation, raison pour laquelle il tente de freiner au maximum ses macabres discussions. Il ne se souciait guère du monde extérieur, mais il tenait à son boulot. Il se complaisait dans son rôle d’excentrique, mais si le monde extérieur venait à suspecter une aliénation mentale, qui peut dire combien de temps il pourrait encore exercer. Il avait donc disséqué la victime du parc de la Nidda en silence, en compagnie d’un jeune stagiaire boutonneux qui, trop impressionné par l’aura de monstre sacré du légiste, peinait à atteindre le niveau de conversation des morts.
Les deux commissaires venaient d’annoncer leur visite par téléphone et Hollbein les attendait.
— Tu es sûr que je peux le leur dire ? demanda-t-il au cadavre allongé dans l’un des tiroirs en aluminium. Il s’agit quand même de quelque chose de personnel.
— C’est gentil. Je ne pense pas que ça les aide dans leur enquête mais on moins, on ne me reprochera pas de passer des informations sous silence.
— Quelles informations, doc ?

Le légiste sursauta. Le commissaire principal Fatih Almedir, accompagné de son équipier le commissaire Leon Bracht, venaient d’entrer dans la salle d’autopsie."

jeudi 12 avril 2018

Ma fenêtre sur le monde

Ma fenêtre sur le monde.

Je m’appelle Sarah, j’ai 10 ans. Il y a cinq mois, le jour de mon anniversaire, j’ai appris trois nouvelles, deux bonnes et une mauvaise. La veille, Il m’avait demandé ce que je voulais en cadeau. « Une télévision », je lui avais répondu. Il m’avait regardé d’un air surpris, puis m’avait laissée dormir. Je ne croyais pas vraiment en la réalisation de mon souhait. Il m’avait toujours interdit de regarder la télé. Il disait qu’elle abrutissait les gens et que le niveau des émissions actuelles dépassait à peine le ras des pâquerettes. Imaginez alors ma surprise lorsqu’il entra dans ma chambre, le matin de mon anniversaire, chargé d’un vieux poste de télévision qu’il installa sur la commode en face de mon lit. Il y brancha un vieux lecteur de cassettes vidéo à l’aide d’un long câble blanc. Puis, Il me tendit un paquet à déballer. La surprise n’était plus très grande après l’installation de tout ce matériel, mais je ne pus m’empêcher de verser une larme. Ce n’était pas grand-chose, mais j’allais enfin pouvoir permettre à mon esprit de s’évader quelque peu. Le paquet contenait trois cassettes VHS : « Dumbo », « Pocahontas » et une série de courts dessins animés. Bien sûr, je connaissais les deux premiers films, mais j’étais impatiente de les revoir. Je m’ennuyais tellement. Il inséra « Pocahontas » dans la fente du magnétoscope et m’en expliqua le fonctionnement. Je n’avais encore jamais vu un tel appareil. Avant, je regardais des vidéos sur youtube, sur mon portable, mais dans ma situation, ce n’était plus possible. Cependant, je me souvenais de mon père m’expliquant que, quand il était jeune, les films étaient enregistrés sur des bandes magnétiques enroulées dans une petite boîte noire. En cet instant, je me sentais plus proche de mon père que jamais auparavant. Il me manquait.
Il s’installa à côté de moi et nous regardâmes ensemble le début de l’histoire de la pauvre indienne dont le territoire fut envahi par les blancs et qui finit par devenir leur propriété. Puis, Il dût partir. Il se leva et disparût derrière la porte de ma chambre. Je suppose qu’Il devait aller travailler. Je suppose, car Il ne m’a jamais dit ce qu’Il faisait comme métier, ni où Il devait aller lorsqu’Il s’absentait quelques heures. Chaque fois que je Lui posais la question, Il évitait d’y répondre. Soit Il faisait semblant de ne pas m’avoir entendue, soit Il changeait de sujet en me posant une autre question. J’ai donc continué toute seule le dessin animé.
Après le générique de fin, j’appuyai, comme Il me l’avait expliqué, sur la touche « eject » du magnétoscope qui recracha la cassette instantanément. Je la retirai et la remplaçai par celle étiquetée « dessins animés ». Il s’agissait de vieux enregistrements. France 2 s’appelait encore Antenne 2 à l’époque. La qualité était médiocre, en tout cas à mon humble avis, moi qui avais grandi dans un monde où la haute définition régnait en maître sur tous les standards audiovisuels. Mais je ne pouvais pas me plaindre, c’était mieux que rien. Après le premier court-métrage, un épisode muet de « Tom et Jerry », commença une version animée du « petit chaperon rouge ». Des personnages aux grands yeux et aux grimaces exagérées, des couleurs surchargées et des bruitages assourdissants, un manga dans toute sa splendeur. Le court-métrage ne dura que quelques minutes, mais au fur et à mesure de l’histoire, un malaise de plus en plus désagréable me saisit. Dès que le grand méchant loup eut englouti le petit chaperon rouge, j’interrompis la lecture de la cassette vidéo. J’étais incapable de continuer. Je ne comprenais pas ce qu’il m’arrivait. Je n’étais plus une enfant et je connaissais ce conte par cœur, mais impossible d’aller plus loin. J’étais sur le point de vomir. J’éteignis l’appareil pour mettre un terme à la neige qui grésillait sur l’écran.
Soudain, j’eûs une idée. Dans un coin de ma chambre, entre le mur et la table de nuit, j’avais découvert quelques semaines auparavant une prise de courant inhabituelle. En fait, non. Pas inhabituelle. Je savais parfaitement que c’était dans ce genre de prise qu’on branchait la télévision. Je me souvenais avoir vu mon père installer son tout nouveau système « home cinema ». À l’époque, je l’avais observé, fasciné par la simplicité avec laquelle cet homme que j’aimais de tout mon cœur assemblait ce monstre composé de câbles et de boitiers en plastique.
Je me mis à analyser le téléviseur et le magnétoscope. Je retirai le câble qui reliait un appareil à l’autre et tentai de l’introduire dans la prise dissimulée derrière ma table de nuit. Il s’emboita à la perfection. Malheureusement, il était trop court pour atteindre l’imposant tube cathodique. Pour la première fois, je perçus comme un point positif le fait que ma chambre ne soit pas énorme. Il me suffit de pousser la commode quelques dizaines de centimètres vers la gauche et de faire pivoter l’appareil pour l’amener à portée du long fil blanc. C’est ainsi que j’appris la deuxième bonne nouvelle de cette journée d’anniversaire. La plupart des chaînes étaient brouillées, mais je parvins à en capter une plus ou moins bien. Quelle ne fut pas ma surprise de voir mon portrait s’afficher en grand sur l’écran. J’augmentai le volume. C’était une émission spéciale. L’image changea et me montra mes parents. Je ne pouvais plus retenir mes larmes. Mes parents. Je pouvais à peine le croire. Tout ce temps, Il m’avait dit qu’ils ne m’aimaient plus, qu’ils m’avaient abandonnés, que personne ne me recherchait. Il avait réussi à me convaincre, jusqu’à ce jour-là. Je regardai mes parents pleurer en direct à travers les yeux d’un caméraman de télévision. Je ne pouvais rêver meilleur cadeau : revoir mes parents, eux dont je n’avais plus eu la moindre nouvelle depuis … j’ignorais depuis combien de temps j’étais Sa prisonnière. Deux mois… Trois mois peut-être. J’écoutai l’émission. D’après la présentatrice, j’étais portée disparue depuis presque six mois. Six mois… Et mes parents continuaient à se battre pour me retrouver.
L’image changea à nouveau. Son portrait apparut. Une vague d’espoir m’envahit. La police L’avait retrouvé. Les enquêteurs avaient découvert qu’Il m’avait enlevée. Je pouvais à peine le croire. À partir d’aujourd’hui, tout irait mieux. Il allait être arrêté et j’allais enfin pouvoir sortir de cette chambre exigüe. Jamais plus Il ne viendrait se coller contre moi. Jamais plus Il ne me forcerait à prendre ma douche avec lui, les seuls moments où j’avais l’occasion de quitter les quelques mètres carrés qu’il m’avait assignés, ma chambre. C’en était fini de la reconnaissance que je devais Lui témoigner chaque fois qu’Il m’offrait quelque chose, un livre, une peluche. Je n’aurai plus jamais à L’embrasser ou Le caresser. J’allais pouvoir oublier le goût immonde de Son sexe. Jamais plus je ne Le sentirai entre mes jambes. Désormais, mes jambes seraient à moi et à personne d’autre. J’allais enfin retrouver mes parents, mon frère, mon chat et ma maison. J’allais enfin être libre. J’étais aux anges.
      L’édition spéciale continua en me révélant la première mauvaise nouvelle de la journée. Interpelé par la police, Il avait fui. Il était armé et avait tiré sur les gardiens de la paix. Ceux-ci avaient riposté. Il n’avait pas survécu. Soudain, un doute m’assaillit. Allait-on me retrouver ? Il m’avait souvent répété que personne ne viendrait me chercher ici. Cette maison était à la campagne, à l’écart de toute civilisation. Enfin c’est ce qu’Il m’avait dit. Je ne voyais rien de la fenêtre de ma chambre. Elle était condamnée par un mur de brique. Je me souvenais qu’un jour, il m’avait avouer que cette maison ne lui appartenait pas et qu’il serait difficile de remonter jusqu’à lui. Il avait raison. J’eus beau hurler en espérant que quelqu’un m’entende, je ne reçus aucune réponse.
Heure après heure, je suivais l’enquête à la télévision. Tous ses biens immobiliers furent fouillés de fond en comble, mais jamais personne ne m’a retrouvée. Au bout de deux jours, la faim devint insoutenable. De plus en plus faible, je cessai de hurler. Les dernières heures, je les passai à scruter mes parents au hasard des journaux télévisés. Je voyais le doute sur leur visage, leurs larmes. Je les suppliai à travers l’écran de me retrouver. Mais personne ne vint.

Aujourd’hui, je suis libre. J’ai quitté ce corps trop lourd et je suis rentrée chez moi. J’accompagne mes parents à chaque instant de leur vie. Je m’assieds à côté de mon père dans le divan et nous regardons ensemble sur grand écran les scènes de ma vie trop courtes qu’il avait immortalisées avec son portable : mes premiers pas, mes premières chutes en vélo, mes représentations de danse. J’accompagne ma mère chez la coiffeuse, comme nous le faisions avant et, même si je sais qu’il ne m’entend pas, avant qu’il ne s’endorme, je raconte à mon petit frère des histoires que j’invente au fur et à mesure. Ils continuent de me chercher et, bien qu’au fond de leur âme, ils connaissent la vérité, ils refusent de perdre espoir. Je voudrais tant les libérer de cette responsabilité, leur faire comprendre que tout est terminé mais je n’ai aucun moyen de leur signaler où je suis. La villa dans laquelle Il m’avait enfermée est trop bien cachée, perdue au fond d’un bois. Elle est devenue mon tombeau. Un jour, elle sera rasée avec les arbres qui l’entourent pour faire place à un parking de supermarché. D’ici là, je vis dans la crainte de sombrer dans l’oubli, mais je fais confiance à mes parents : tant qu’ils penseront à moi, je continuerai d’exister.

mercredi 1 novembre 2017

Quels acteurs pour incarner mes personnages?

Ma mère m'a souvent dit qu'en lisant "la soupe au choux", elle avait toujours imaginé Georges Brassens et René Fallet dans les rôles principaux. Elle trouvait que la complicité entre les deux vieillards correspondaient parfaitement aux deux artistes, à croire que le roman avait été écrit pour eux. Ceci dit, il était fort possible que ce soit le cas, étant donné l'amitié qui liait l'auteur, René Fallet, et le chanteur, Georges Brassens.

En ce qui me concerne, en écrivant "Une filiation indésirable", j'ai eu une approche un peu différente selon les personnages.

Le protagoniste doit son apparence en grande partie à son prénom. Je voulais un prénom typiquement allemand. J'ai d'abord pensé à Heinrich, mais ça fait un peu vieillot. Il me fallait un prénom exotique, mais je désirais sortir des clichés sur la seconde guerre mondiale. J'ai donc opté pour la version plus moderne et plus répandue en Allemagne : Henning.

Une fois le prénom décidé, l'acteur s'est imposé naturellement : Henning Baum, un acteur allemand dont la carrure correspondait exactement au personnage que j'avais en tête : un colosse sentimentalement blessé, dont le couplé bat de l'aile et venant de perdre son emploi.

Henning Baum


Le personnage de Marie Dulac, en revanche, n'a pas d'homologue dans la vie réelle. J'ai une vision très claire de son apparence, mais elle entièrement issue de mon imagination. Jeune et de taille moyenne, de longs cheveux noirs, je verrais très bien l'actrice britannique Jenna Coleman dans ce rôle, même si elle ne correspond pas tout à fait à l'idée que je me faisais de Marie au départ.

Jenna Coleman


Qu'en pensez-vous ? Vous avez lu "Une filiation indésirable" ? Quels acteurs engageriez-vous pour jouer les rôles principaux ?

Vous êtes écrivain ? Pensez-vous à un acteur ou une actrice en particulier lorsque vous rédigez votre roman ?

Vous êtes lecteur en général ? Imaginez-vous parfois l'un ou l'autre personnage célèbre en découvrant un personnage au fil de vos lecture ?

N'hésitez pas à partager vos expériences. La zone "commentaire" est là pour ça.

À bientôt,

Julien.

samedi 7 octobre 2017

Paradis

Il faut que je vous explique. Je suis fan d'un groupe de Rock allemand, probablement inconnu en France, appelé "Die Toten Hosen". Je sais, les"pantalons morts", en français, ça ne sonne pas très bien. On en arrive à se demander comment ils ont pu avoir un tel succès en Allemagne avec un nom pareil.

Cette petite vidéo a été réalisée dans le cadre d'un concours organisé par une chaîne de radio allemande. On pouvait gagner des places pour un concert privé (200 personnes maximum). La dernière fois que j'ai vécu quelque chose de semblable, c'était le concert gratuit de Renaud à la cigale il y a 10 ans et j'en garde un souvenir phénoménal.

Pour participer, Il fallait juste envoyer une vidéo de sa propre interprétation d'une de leur chanson. Les gagnants seraient tirés au sort. Or, il se trouve que j'en ai traduit une il y a quelques années. (Enfin, c'est plus une adaptation en Français qu'une véritable traduction. On ne peut pas traduire une chanson, sinon elle perd tout son sens). Autant vous dire que je me suis rué sur mon Smartphone pour l'enregistrer. A capella. C'était une des règles du concours. Je crois qu'ils ne voulaient pas favoriser les musiciens professionnels.   

La chanson choisie s'appelle "Paradies" en allemand. Vous l'aurez compris, ça veut dire "Paradis" en français. Une chanson légèrement philosophique, mais surtout ironique (du moins à mon avis) qui rejoint un peu au niveau du texte la chanson "le mécréant" de Georges Brassens.

"Je n'ai jamais tué, jamais violé non plus, il y a déjà quelques temps que je ne vole plus. Si l'Éternel existe, enfin de compte il voit que je ne me comporte pas plus mal que si j'avais la foi".

Pour vous donner une idée, voici la vidéo de la version originale :


Et voici ma modeste version a capella :



Qui peut dire ce qu'il y a derrière
Ce grand mur sans fenêtre
Si la vie était un examen
Qui comptait pour des points.

Qui réussit avec vingt sur vingt
Major de promotion
L'éternité est au bout du chemin,
Pour les autres, la réincarnation.

Ils reviennent en flics ou en curés,
En touristes, en pompiers,
En clowns qui ne font plus rire personne,
En affreux petits bonshommes.

Pour éviter ce destin immoral,
Il faut se donner du mal.
Faire chaque jour sa prière du matin,
Se conduire en bon chrétien.

Et pour être sûr d'avoir une vie heureuse
Après le passage de la faucheuse,
Y en a qui vont chaque jour à confess
Soulager leur âme pêcheresse

J'irai pas au Paradis,
Car c'est bien trop dur, non merci.
Si ça veut dire rester sur terre, tant pis,
Je reste avec mes amis.


Malheureusement, je n'ai pas été tiré et au sort. Il ne me reste plus qu'à payer ma place et à aller au concert grand public, mais la vidéo n'est pas perdue, puisque ça me donne l'occasion de la partager avec vous. N'hésitez pas à me faire part de vos commentaires.

À bientôt.

mardi 14 février 2017

Ce que j’ai appris à éviter avant de publier mon roman en auto-édition.


Cet article s’ajoute à une longue série disponible sur internet, mais peut-être aidera-t-il quelqu’un dans le besoin, débutant dans l’auto-édition, tel que je l’étais il y a encore quelques mois. Je ne me considère pas comme étant un expert pour autant, mais l’auto-publication de mon roman m’a permis d’acquérir une certaine expérience dans le domaine, fruit de longues recherches sur la toile. 

Nous sommes en 2017 et publier le roman sur lequel on travaille depuis des mois (voire des années) est désormais à la portée de n’importe qui. Nombre d’imprimeries offrent aux auteurs un service gratuit d’impression à la demande et vantent la simplicité de voir son livre imprimé, relié et disponible à la vente sur une plate-forme en ligne. Que de demander de plus quand on fait partie des 96 pour cent d’auteurs refusés par les maison d’éditions traditionnelles ? 

Je remarque cependant que la facilité avec laquelle l’auteur s’auto-publie peut être accompagnée d’un certain amateurisme qui risque de porter préjudice. C’est pourquoi je trouve opportun (et important) de vous faire part de mon expérience personnelle. 

Vous êtes seul responsable du contenu que vous publiez.


Je remarque souvent au fil des commentaires sur les réseaux sociaux une confusion entre édition et publication. Pour beaucoup, quand le livre est terminé et disponible à la vente, il est édité. Non ! Il est publié, ce qui représente une énorme différence. Un livre édité est passé par une maison d’édition, ce qui signifie que l’éditeur a, à ses frais, fait corriger professionnellement le manuscrit, a fait réaliser une couverture par un graphiste ayant fait ses preuves et a formaté votre document Word pour son impression.

Un service d’auto-édition ne fait rien de tel. On imprimera ce que vous enverrez tel quel, à moins que vous ne les engagiez à titre personnel (et donc de votre poche) pour réaliser les corrections ou la couverture. Ce n’est pas un reproche que je leur fais, car les choses sont claires dès le début. Cependant, si, comme moi, vous hésitez à débourser plusieurs centaines d’euros dans la réalisation de votre premier livre et voulez quand même tenter l’expérience de l’auto-édition, vous devez garder plusieurs choses à l’esprit.

L’orthographe.


J’ai une formation de professeur de français, ce qui me donne, du moins le pensais-je au début, un statut de correcteur professionnel. C’est vrai, que fait un professeur de français toute la journée si ce n’est des corrections ? Imaginez mon effroi lorsqu’un ami à qui j’avais fait lire le manuscrit me l’a renvoyé avec en commentaire : « L’horrographe et toi, ça fait deux ». Des fautes d’accord, de grammaire, de lexique, etc. alors que j’avais déjà relu deux fois et corrigé énormément d’erreurs. Ne faites pas confiance à votre orthographe, si calé que vous le soyez dans votre vie privée et/ou professionnelle. Utilisez un logiciel comme Antidote qui retrouvera un grand nombre d’erreurs et vous indiquera les passages où il pourrait y avoir des fautes. Le logiciel met également en évidence les répétitions de mots. Laissez votre manuscrit se reposer quelques semaines avant de le relire. Et relisez plusieurs fois, sur écran et sur papier, à voix haute et à voix basse et en vous concentrant sur chaque mot. Ne lisez plus votre histoire, posez les yeux pendant deux ou trois secondes sur chaque mot et demandez-vous s’il ne faut pas un accord. Si vous vous en sentez capable, lisez votre livre à l’envers pour vous concentrer sur les mots et non sur l’intrigue.

Le formatage.


Un ouvrage qui m’a beaucoup aidé, c’est celui-ci :

« Présentez votre manuscrit littéraire comme un pro en cinq étapes » de Dominic Bellavance.

https://www.amazon.com/Presentez-manuscrit-litteraire-etapes-French/dp/1522869441

Ce livre s’adresse aux auteurs désireux de voir leur manuscrit atterrir sur le bureau d’un éditeur et de laisser une bonne impression. Mais certains conseils s’appliquent également aux auteurs auto-édités. 

Le tiret cadratin.


Un des chapitres les plus importants concerne l’utilisation du tiret. Pour écrire des dialogues, on utilise le tiret cadratin (−) qui se différencie du tiret normal que l’on utilise pour écrire un mot composé (-). Vous me direz qu’il s’agit d’un détail, mais il a son importance et peut être facilement évité. Un livre qui ne respecte pas les normes de typographie, c’est comme des pâtes sans sel. C’est un détail que le lecteur (ingrat) ne remarquera pas, mais qui lui sautera aux yeux négativement si vous ne le faites pas. Si l’intrigue l’accroche, il continuera peut-être mais vous excluez d’office tous les puristes qui vous catalogueront d’amateur avant même d’avoir pu donner une chance à votre histoire.


Les alinéas.


Le style français demande encore et toujours un alinéa en début de paragraphe. Celui-ci ne doit pas être grand (5 mm suffisent), mais il doit être visible, même devant les dialogues.

La police de caractère.


Si vous voulez soumettre votre manuscrit à une maison d’édition, pas de fioritures. Times New Roman est parfait. Une interligne de 1,5 et les marges standards de Word. Si vous utilisez cette police lors de l’impression de votre roman, attendez-vous à recevoir les critiques de ces mêmes puristes qui ne vous pardonneront pas de ne pas employer le tiret cadratin. Times New Roman, Arial et Calibri sont des polices de caractères utilisées dans la vie quotidienne, mais inadéquates dans le domaine littéraire.

Garamond reste la police littéraire la plus employée. J’ai moi-même hésité à l’utiliser, mais elle m’a posé un problème de taille. Je me suis rendu compte qu’en taille 12, Garamond était beaucoup trop grand par rapport aux marges que m’imposait l’imprimeur, tandis qu’en taille 11, le texte était presque illisible. J’ai résolu le problème en utilisant Book Antiqua, une police plus compacte mais lisible malgré tout. D’où mon prochain conseil : imprimez une ou plusieurs pages de votre roman avant de l’envoyer à l’imprimerie et vérifiez la lisibilité. Certains auteurs auto-édités n’hésitent pas à acheter en ligne une licence pour une police de caractère professionnelle. Si celles de Word ne vous satisfont pas, vous pouvez en faire autant, mais posez-vous la question de savoir si cela en vaut la peine. Cherchez sur internet des témoignages d’auteurs et renseignez-vous sur les expériences qu’ils ont pu faire avec une écriture payante.

Après ce tour d’horizon des erreurs les plus faciles à éviter, il ne me reste qu’à vous souhaiter bonne chance dans la réalisation de votre projet. N’hésitez pas à laisser vos commentaires si vous avez des questions ou si vous désirez compléter la liste.

Cordialement,

Julien.

jeudi 19 janvier 2017

Un extrait de "une filiation indésirable".



RWANDA, LE 6 AVRIL 1994 
   
     Deux tirs successifs. Greg reconnut tout de suite le bruit caractéristique d'un missile. Deux longs sifflements, l'un après l'autre. Enfin un peu d'action. Cette journée avait été d'un ennui indescriptible. Après l'aventure qu'il avait vécue la veille, il avait pensé, à tort, que la machine était lancée et qu'il aurait désormais de plus en plus l'occasion de montrer ce dont il était capable.

     Debout à six heures, il avait commencé sa journée par une séance de sport intensif à l’intérieur du camp. Rien de tel pour se mettre en forme. Ensuite, il s'était rendu au briefing de la matinée, où il avait eu la désagréable surprise d'apprendre que leur mission du jour consistait à escorter une délégation de Tutsi dans la région des Grands Lacs. Non, mais pour qui les prenait-on ? Pour des baby-sitters ? Pourtant, en regardant autour de lui, force lui fut de constater qu'il avait été le seul du peloton à réagir de cette manière. Une euphorie générale avait vite envahi l’ensemble des militaires. Tous avaient eu la sensation d'avoir été envoyés en permission. Tous, sauf Greg. Il avait horreur de la nature et passer une journée dans une jungle africaine sous un soleil de plomb ne correspondait pas à l'image qu'il se faisait d'une journée de vacances. Mais les autres avaient jubilé comme si on les avait envoyés boire un whisky dans un bar de Kigali.

     Greg ne comprenait pas leur réaction, mais un ordre était un ordre et il accomplirait son devoir, quoi qu'il arrive. Ils s'étaient donc équipés pour la mission et étaient partis avec quatre jeeps. Greg ne s'était pas trompé. Ils avaient passé la journée à jouer à Gorille dans la brume, le film avec Segourney Weaver qui était sorti cinq ou six ans plus tôt. Greg n'avait pas vu le film. Dans la filmographie de l'actrice, il préférait Alien. Il ne voyait pas l'intérêt de réaliser un film sur une femme qui passe dix-huit ans de sa vie à câliner des gorilles.

     Cinq minutes après être rentrés, Greg entendit le lancement des deux missiles. Il localisa l'origine du bruit et se tourna vers la colline Masaka.

     — Là, cria-t-il. Deux missiles sol-air.

     Plusieurs hommes se joignirent à lui pour contempler le spectacle. Greg anticipa la trajectoire des projectiles et aperçut leur cible : un avion était en approche de l'aéroport de Kanombe. Un Falcon-50. Un petit avion de dix-neuf mètres d'envergure propulsé par trois turboréacteurs. Un jet privé très prisé par les riches hommes d'affaires, mais celui-ci était particulièrement reconnaissable. Il s'agissait de l'avion du président Habyarimana, le chef hutu du gouvernement rwandais. Le premier missile manqua sa cible, frôlant de justesse la queue de l'appareil. La seconde fusée rattrapa l'échec de la première. Elle percuta de plein fouet le flanc du petit avion qui s'enflamma instantanément. Ce fut une grosse boule de feu qui s'écrasa non loin du palais présidentiel sous les yeux ébahis des militaires belges. Après le crash assourdissant, un silence de mort tomba sur la capitale. Plus un bruit. Plus un cri d'oiseau. Plus un battement d'ailes de moustique. Comme si les oiseaux et les moustiques étaient aussi choqués par la mort du président que les humains qui assistaient à cette scène. Comme si les oiseaux et les moustiques respectaient cet homme abattu de sang-froid. Comme si la faune locale craignait autant que la majorité de la population la fin d'un processus de paix dont la réalisation dépendait principalement de cet homme d'État.

     Même s'il avait semblé interminable, le silence ne fut que de courte durée. Tout de suite, les sirènes de l'aéroport, où était stationnée la majeure partie des forces de la Minuar, retentirent. Le lieutenant du Mortier arriva et rassembla la section à laquelle Greg appartenait.

     — Messieurs, cria-t-il, le président rwandais Habyarimana et le président du Burundi sont morts. Leur avion vient d'être abattu. Nos ordres sont d’aller faire le plein avec deux jeeps à l’aéroport et d’y attendre d’autres instructions. Donc, départ dans cinq minutes.

     En arrivant à l'arsenal, la pièce où ils entreposaient leur matériel, ils furent accueillis par la voix emphatique et grésillante de l'animatrice phare de Radio Mille Collines.

     — Nous interrompons nos programmes pour un bulletin d'information spécial. Notre président bien aimé est mort. L'avion présidentiel a été abattu au-dessus de l'aéroport de Kanombe, où réside la force belge des Nations unies. Il ne fait aucun doute que des soldats belges ont tiré de sang-froid sur notre président. D'après nos informations, des témoins ont vu les tireurs sur la colline Masaka et reconnu l'uniforme des militaires belges. Nous qui appelons depuis des mois à se méfier des colonisateurs belges, nous sommes désolés de ne pas avoir été écoutés. Notre président bien-aimé en a payé aujourd'hui les conséquences. Cela ne peut plus durer. Les militaires belges doivent quitter notre territoire national, au lieu de s'acoquiner avec les Tutsis, nos ennemis de...

     Le flot de haine que l'animatrice déversait sur ses auditeurs fut interrompu par un bruit fracassant de plastique brisé. Le lieutenant, furieux, était entré sans rien dire, s'était emparé du transistor et l'avait projeté de toutes ses forces contre le mur.

     — Est-ce que je ne vous avais pas dit que je ne voulais plus entendre cette merde ? Le prochain que je prends à écouter ces conneries, il passe trois jours au trou. Bon, vous n'êtes pas censé vous préparer ?

     Personne ne répondit. C'était une pure question rhétorique. D'ailleurs, le lieutenant quitta la pièce dès qu'il eut achevé sa phrase. Greg ne pouvait s'empêcher de repenser à ce qu'il venait d'entendre. Se pouvait-il que des soldats belges s'en soient pris au président ? Ils avaient accès à des lance-missiles, mais pourquoi auraient-ils fait cela ? Cela semblait invraisemblable. Puis, Greg se rappela l'incident de la veille et le vol des uniformes. Ceux qui avaient assassiné le président voulaient leur rejeter la responsabilité et faire des soldats belges leur bouc émissaire. Il se rappela également la haine qu'il avait perçue dans les regards de la population la veille. Un frisson lui parcourut le dos. La situation ne pouvait pas s'améliorer et en ce moment, il aurait souhaité que le reste de son peloton pense la même chose. Malheureusement, le choc causé par la mort du président s'estompait déjà et la bonne humeur refaisait son apparition sur les visages de ses camarades. Même le lieutenant ne paraissait pas contester le fait qu'on n'ait pas monté les mitrailleuses lourdes sur les jeeps. Le temps était compté. La section se divisa en deux groupes qui prirent place dans les deux véhicules tout terrain prévus pour la mission.

     Le court trajet jusqu’à l’aéroport se déroula sans incident. Ils firent le plein sur le tarmac de l’aéroport, et patientèrent jusque bien après la tombée de la nuit. Les onze hommes commençaient à être fatigués. La journée avait beau avoir été plus touristique qu’opérationnelle, elle n’en avait pas moins été éreintante. Personne cependant n’osa s’aventurer à fermer les yeux. Ils étaient en situation de crise, et devaient être disponibles à tout moment. Vers deux heures du matin, le lieutenant reçut de nouveaux ordres du quartier général, qu’il communiqua à ses hommes séance tenante.

      — La population commence à s’agiter. On peut s'attendre à des émeutes dans la région. Madame Agathe veut faire une allocution à la radio pour dire à la population de se calmer. Nos ordres sont d'aller la chercher et de l'escorter au studio de Radio-Rwanda. Prenez quelques bidons d’essence, on repasse à Viking chercher les deux autres jeeps.

     La situation était loin d’être aussi calme qu’auparavant. Ils arrivèrent sans encombre jusqu’à leur cantonnement, mais beaucoup d’indigènes étaient descendus dans la rue et leur comportement à l’égard des militaires n’avait rien d’affectif. Certes, Greg ne se souvenait pas qu’il l’ait jamais été, mais l'antipathie qui empestait l'atmosphère était telle qu'elle en devenait presque palpable. Certains gueulaient, d’autres les menaçaient, d’autres encore crachaient sur leur passage. Après avoir récupéré les deux autres jeeps, ils prirent la direction du domicile d’Agathe Uwilingiyimana, le Premier ministre du Rwanda.